"La planète détraquée - Tempête : L'homme
a-t-il changé le climat ?" s'interroge Le Nouvel
Observateur (6 janvier 2000). "La tempête est-elle une
conséquence du réchauffement climatique ?" demande
Libération (11 janvier 2000). " Climat : que se
passe-t-il ? questionne L'Express (6 janvier 2000). Si ces
journaux affichent leur préoccupation en "une", d'autres y
réfléchissent également dans les articles
consacrés à la tempête : "Pourquoi une telle
récurrence de catastrophes - après les tempêtes
de 1987 et 1990 - dans nos pays généralement
épargnés par les cataclysmes? L'homme y aurait-il sa
part de responsabilité par l'intermédiaire de l'effet
de serre?" A Nous Paris (17 janvier 2000). La question qui
revient alors, une fois les rues balayées (...) reste la
suivante : l'homme y est-il pour quelque chose? La thèse
évoquée est souvent celle de son éventuelle
responsabilité dans le réchauffement de la
planète (L'Humanité 28 Décembre 1999).
Le Point (7 janvier 2000), quoi que plus sceptique, pose aussi
la question : "Tempêtes : l'homme y a t'il sa part?". Au milieu
de toutes ces interrogations, certains sont plus virulents : dans un
article intitulé "le climat, ses catastrophes et les
irresponsables" (30/12/99) Jean-Paul Besset, du Monde, presse
le monde politique de prendre ses responsabilités. Et ceux-ci
réagissent : Corinne Lepage, ancienne ministre de
l'Environnement du gouvernement Juppé déclare que "ces
événements ne sont pas le fruit du hasard. Je pense que
les transformations climatiques sont d'ores et déjà en
cours" (L'Express du 6 Janvier 2000). Dans Les
Dernières Nouvelles d'Alsace (1 janvier 2000), les
Verts-Alsace déclarent que " il apparaît de plus en plus
probable qu'il ne s'agit là que des premiers effets de la
modification globale du climat due à l'échauffement de
l'atmosphère". Le gouvernement s'inquiète
également : Jean Pierre Masseret, secrétaire d'Etat
à la Défense, estime ainsi que "il y a de plus en plus
de tempêtes ou de catastrophes naturelles -du siècle- "
(DNA du 5 janvier 2000). Mercredi 19 Janvier, le Gouvernement
annonce un plan national de lutte contre l'effet de serre dont
l'objectif est de réduire d'au moins 10% l'émission de
CO2 au cours des 10 prochaines années. Ce plan sera
jugé timide par les Verts, Greenpeace et même certains
Socialistes.
Avant même la tempête, la question était dans l'air. Ainsi le réchauffement de la planète était le thème pricipal de l'émission de télévision Géopolis programmée le Dimanche 2 janvier 2000. Le magazine Pour la Science de Janvier consacré à "la science en 2050" comportait également un article "Modifions-nous le climat ?" rédigé avant la tempête.
Face à un événement météorologique catastrophique,
la réaction de l'homme est souvent de douter de son caractère
naturel. Autrefois, on invoquait le surnaturel : le bras divin montrait par
là sa puissance. Puis, car il faut bien un responsable, on a attaqué
le télégraphe, le radar et la bombe atomique, coupables de dérégler
le temps. C'est surtout cette dernière que l'on accusait dans les années
50 qui ont connu des hivers froids et des inondations importantes. Aujourd'hui,
c'est le gouvernement qui est soupçonné d'avoir voulu protéger
Paris des inondations en détournant les eaux de la Seine dans le bassin
de la Somme, via le canal du Nord (rumeur infondée, faut-il le préciser).
E.P. Jacobs et même la DST se sont quant à eux interrogés
sur la possibilité d'un dérèglement du temps commandé
par l'homme. La question n'est pas là, car si dérèglement
il y a, il semble bien que l'homme ne l'ait pas voulu. Sans céder au
catastrophisme, ni vouloir nécessairement rattacher un phénomène
isolé à un schéma global, nous pouvons quand même
essayer d'y voir plus clair.
Les tempêtes de Noël 99 sont-elles
exceptionnelles?
D'autres tempêtes importantes se sont déjà abattues sur
la France, y compris dans la dernière dizaine d'années, comme
le signalait Météo-France sur son site peu après la tempête. Des vents de 200 km/h avaient déjà
été enregistrés lors de la tempête du 15 octobre
1987 en Bretagne et en Normandie, ou celle de 1990 par exemple. Néanmoins,
il semble bien que les tempêtes des 26 et 27 décembre soient véritablement
exceptionnelles. Les historiens qui se sont attachés à l'histoire
des événements climatiques en Europe comme Emmanuel Le Roy-Ladurie
(histoire du climat depuis l'an mil, Flammarion) ne trouvent pas trace d'une
tempête de cette ampleur, ravageant presque un pays entier :"Je pense
qu'on a aujourd'hui quelque chose d'inédit" explique-t-il dans Libération
(11/01/00). "Depuis quatre siècles au moins, on ne trouve pas de phénomène
semblable à cette échelle" dans les registres forestiers (voir
aussi Le Figaro et Le Point du 7 janvier).
Rappelons que les tempêtes du 26 (Martin) et 27 (Lothar) ont
engendré la chute de 270 à 400 millions d'arbres (138
millions de m3 de bois), 80 morts, les réseaux
électrique téléphone et train
démantelés, avec 1/4 des lignes hautes tensions
hors-service, 70 départements classés "catastrophe
naturelle", un coût total estimé à 100 milliards
de francs rien que pour la France...
Dans la région, un tiers du massif forestier a été détruit
dans les Yvelines, 500.000 arbres dans la forêt de Fontainebleau; à
Versailles, les dégâts seraient de 230 millions de francs, avec
30.000 arbres arrachés dans le Parc, deux statues à Trianon, une
partie de la toiture envolée et des vitres brisées. En Ile de
France, 60% des toitures ont été touchées. Pour plus d'info,
voir les sites de l'ONF (le
dossier tempête semble avoir disapru en 2001) et le site Adminet.
Ce point semble indiscutable. Pour s'en convaincre, il suffit de constater le recul des glaciers dans les Alpes (la comparaison des photos du glacier d'Argentières au début du siècle et de son état actuel est éloquente par exemple), ou de faire la liste des années les plus chaudes du siècle. Pour les siècles précédents, les mesures directes (thermomètre) sont sans doute moins fiables, mais des mesures indirectes ont pu être mises au point. Dans un communiqué du 16 Décembre 1999, L'OMM signalait ainsi que 1999 avait été l'année la plus chaude du siècle, et le XXème siècle, le siècle le plus chaud du millénaire (le Nouvel Obs n°1835). Toujours d'après l'OMM, depuis 1860, les sept années les plus douces se situent dans la dernière décennie (L'Express du 6/01/00). Depuis cent ans, la Terre s'est ainsi réchauffée d'un demi-degré. C'est peu?
Le
climat de la Terre a t'il déjà changé ?
Oui bien sûr, le climat de la Terre a déjà
changé au cours des temps géologiques, sans que l'homme
y soit pour quoi que ce soit. L'arrivée de la vie et plus tard
des plantes a profondément changé le climat en
modifiant la composition de l'atmosphère. Ensuite, des
changements d'activité volcaniques ou solaires ont eu des
influences notables, et sans doute des chutes catastrophiques de
météorites également. Plus récemment, la
Terre a connu des glaciations (la dernière il y a 10000
ans).
Aux temps historiques, il y a eu des périodes plus froides que
maintenant, comme au XVIIème siècle, avec le "petit
âge glaciaire" (voir La Recherche n°321, juin 99). Cet
épisode de froid était lié à un minimum
d'activité solaire (minimum de Maunler 1645-1715) et à
une faiblesse de l'anticyclone des Açores. Au cours de cette
période, les glaciers alpins ont avancé d'environ
1000m. Durant les décennies les plus froides (1659-1699), la
température moyenne était inférieure de
0,83°C à la température moyenne de 1961-1990, ce
qui peut paraître un faible écart... Des périodes
chaudes ont aussi existé, notamment au Moyen-Age: on a ainsi
récolté des fraises à Noël à
Liège en 1116 et vu des figuiers à Cologne vers 1200.
Les écarts de température estimés sont
inférieurs au degré.
En Angleterre, la sortie du petit âge glaciaire a
été spectaculaire, avec une hausse de 1,79°C en
à peine 30 ans, une vitesse de réchauffement
supérieure à celle observée actuellement.
On notera également que réchauffement et
refroidissement ne sont pas homogènes à
l'échelle de la Planète, une région pouvant se
réchauffer pendant que l'autre se refroidit.
Peut-on relier le réchauffement actuel de la
planète aux activités humaines?
C'est évidemment le coeur du problème. Ce qui est
certain, c'est que les émissions de CO2 ont
fortement augmenté avec l'avènement de l'ère
industrielle (+25% depuis cent ans). L'humanité en rejette
chaque année 22 milliards de tonnes, presque 4 tonnes par
personne et par an... A partir de carottes glaciaires, on a pu
déterminer avec précision l'évolution de la
teneur en CO2 de l'atmosphère sur les derniers
siècles, toutes origines confondues. La corrélation
avec l'évolution de la température est frappante.
On peut toujours objecter que cette corrélation peut
être fortuite, et le réchauffement actuel lié
à des mécanismes naturels. Ce n'est cependant pas
l'opinion majoritaire. Il est maintenant admis que l'espèce
humaine a une influence perceptible sur le climat du globe, via
l'émission de gaz à effet de serre, et la modification
du paysage. L'Homme : Miloch ou apprenti-sorcier?
Comment le climat de la planète va-t'il
évoluer?
Les experts ne sont évidemment pas d'accord...Mais une augmentation de la température moyenne du globe de quelques degrés pourrait engendrer des changements climatiques majeurs. Certains calculs indiquent que des effets importants, supérieurs à ceux qu'à connu La Terre lors de la dernière glaciation pourraient survenir à partir du milieu du XXIème siècle (Pour La Science, Jan2000). Si une augmentation modérée de la température moyenne pourrait favoriser l'agriculture, une hausse plus importante entraînerait la montée du niveau des mers (avec des menaces pour les atolls coralliens et les zones côtières comme le Bengladesh), et des changements de climats locaux en modifiant les équilibres actuels. Localement, des sécheresses, ou des inondations pourraient survenir, et paradoxalement le climat européen se refroidir du fait d'un changement de régime du Gulf Stream.
Les tempêtes de Noël 99 sont-elles
liées au changement de climat?
Cet événement étant ponctuel, rien ne permet d'affirmer qu'il soit lié à une tendance plus globale. Les simulations du changement climatique de certains modèles mathématiques prévoient davantage d'événements extrêmes (tempêtes, pluies, sécheresses) dans certaines régions du globe, mais il semble que les conclusions varient beaucoup d'un modèle à l'autre.